Marion Waller - Redonner une place à nos morts
La façon dont nous traitons nos morts est un miroir de notre société. Avec la montée de l’individualisme et le recul du religieux, notre culture de la mort s’est délitée. Nos rites funéraires sont désormais fades, bricolés, expédiés.
Hier la mort était visible, les défunts étaient célébrés, les cimetières des lieux de vie. Aujourd’hui, elle devient presque honteuse. Les proches se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes, démunis dans ces moments d’extrême vulnérabilité, et certains défunts sont même devenus « invisibles ».
Or de nouveaux rites laïcs se développent en France et en Europe, et dessinent un autre rapport à la mort, plus assumé, plus apaisé. C’est ce que nous propose de découvrir cet essai qui, en nous faisant voyager dans l’histoire et la géographie, nous donne des pistes pour réapprendre à dire adieu.
Pour la mémoire de ceux qui partent et la sérénité de ceux qui restent, il est urgent de redonner une place à nos morts.
En librairie le 24 octobre – 160 pages
ISBN : 978-2-37073-505-8
Marion Waller, 32 ans, a travaillé huit ans à la Ville de Paris, où elle fut notamment en charge des affaires funéraires. Elle dirige le Pavillon de l’Arsenal – le centre d’architecture et d’urbanisme de Paris et de la métropole parisienne.
Crédit photo : © Juliette Paulet
---
Pourquoi la mort se dérobe-t-elle aujourd’hui à nos regards ?
Marion Waller : 85 % des décès ont aujourd’hui lieu hors du domicile.
Quand la mort se déplace du domicile à l’hôpital, le cérémoniel devient plus morcelé, il se réduit à une succession de questions pratiques ou administratives. Les rites laïcs sont plus rapides, les lieux de deuil moins identifiables. Hier la mort était célébrée, aujourd’hui elle semble invisible.
Jusqu’au début du XIXe siècle, les cérémonies funéraires étaient publiques et les cortèges étaient des moments de rassemblement dans les villes et les villages. N’est-ce pas ajouter de la souffrance que de cacher nos morts ?
Comment nos cimetières évoluent-ils ?
M. W. : Hier les cimetières étaient des lieux très animés avec des animaux en pâturage, des concerts, des jeux de balle... Aujourd’hui, beaucoup sont des lieux uniformisés, sans âme, sans vie. Mais il existe des alternatives. À Clamart dans les Hauts-de-Seine, le cimetière est conçu comme un lieu de déambulation pour les vivants, à Pruillé dans le Maine-et-Loire, un parc funéraire permet de lier la mémoire d’un défunt au développement d’un organisme vivant. Stockholm a créé un cimetière-forêt tandis que les mexicains célèbrent les morts en faisant plus de place à la joie, la fête et à la couleur qu’à la tristesse…
Comment mieux honorer nos morts ?
M. W. : Dans mes fonctions à la mairie de Paris j’ai rencontré beaucoup de familles endeuillées, et j’ai constaté le besoin de réponses moins standardisées, d’une personnalisation des rites, d’une extension des possibles, par exemple pour traiter le deuil périnatal.
Les pistes pour mieux honorer les morts existent : en transformant les lieux, en inventant de nouveaux rites, en donnant une place aux oubliés, en rapprochant davantage l’écologie du funéraire, bref en redonnant une place à nos morts, au cœur de nos cités.